Les sandwichs de la veille

Les sandwichs de la veille que l’on achète tôt le matin à la gare de Perrache sont souvent excellents, sauf peut-être le pain devenu mou, élastique, impossible à mâcher, impossible même de mordre dedans. La faute à l’humidité ambiante de la gare sans doute. Car on y attend en nombre, on y expire en masse, les exhalaisons circulent entre les galeries, l’air se charge, s’épaissit, sédimente, cristallise sous forme de petits déchets génériques, sous forme d’objets perdus, voire, catastrophe, de bagages abandonnés. Oh non. Encore ? On n’arrête pas d’évacuer. Les sandwichs, en revanche, se tiennent tranquilles. Restent à l’écoute. Ils absorbent l’ambiance dramatique expirée par les humains, ça les ramollit. Le souffle de la multitude pénètre dans la mie et s’y installe comme une âme errante dans un corps momentanément inhabité.